enquête parlementaire

notice mise à jour en 2021

Droit attribué à une assemblée parlementaire d'enquêter sur un certain nombre de faits pour tirer des leçons d'une crise, établir des responsabilités politiques ou légiférer en conséquence.

Qu'il s'exerce au niveau fédéral ou à celui d'une entité fédérée, le droit d'enquête permet une vérification de faits qui relèvent de la compétence d'une assemblée législative. En pratique, l'assemblée exerce ce droit à travers une commission d'enquête parlementaire instituée en son sein de manière temporaire afin de faire la lumière sur ce qu'il est convenu d'appeler des dysfonctionnements ou sur de potentiels abus qui ont été mis au jour ou qui sont suspectés.

Une enquête parlementaire ne se substitue pas à une éventuelle enquête judiciaire portant sur les mêmes faits, et la commission doit prendre garde à ne pas interférer avec les procédures judiciaires en cours et à ne pas mettre en péril le secret de l'instruction qui prévaut dans le cadre de ces procédures.

Lorsqu'elle exerce son droit d'enquête, l'assemblée parlementaire jouit de prérogatives étendues et peut prendre toutes les mesures d'instruction prévues par le Code d'instruction criminelle, le cas échéant avec le concours d'un magistrat. Les témoins, les interprètes et les experts sont soumis devant la commission d'enquête parlementaire aux mêmes obligations que devant un juge d'instruction. Les membres de l'assemblée parlementaire sont tenus au secret en ce qui concerne les informations recueillies à l'occasion des réunions de la commission lors desquelles le huis clos est déclaré.

Le cas échéant, les conclusions qui peuvent être tirées de l'enquête parlementaire, présentées sous la forme d'un rapport soumis pour approbation à la séance plénière de l'assemblée, pourront déboucher sur des initiatives en matière législative ou de contrôle du pouvoir exécutif.

En Belgique, toutes les assemblées législatives bénéficient du droit d'enquête, à l'exception du Sénat : depuis la sixième réforme de l'État, la Chambre haute du Parlement fédéral a en effet perdu le dernier vestige de contrôle du gouvernement fédéral dont elle disposait encore au terme d'une précédente réforme, opérée en 1993. En contrepartie, le Sénat a toutefois reçu une nouvelle prérogative, à savoir le droit d'entendre des experts afin de rédiger un rapport d'information, compétence qu'il a déjà exercée à plusieurs reprises.

Diverses normes de rang constitutionnel ou quasi constitutionnel attribuent le droit d'enquête aux assemblées législatives suivantes : la Chambre des représentants, le Parlement flamand, le Parlement de la Communauté française, le Parlement wallon, le Parlement de la Communauté germanophone (PDG), le Parlement bruxellois et l'Assemblée réunie de la Commission communautaire commune (COCOM). L'Assemblée de la Commission communautaire française (COCOF) bénéficie également du droit d'enquête dans le cadre des compétences qui lui ont été transférées par la Communauté française.

Ces dispositions étant fort succinctes – elles se contentent d'indiquer que telle ou telle assemblée bénéficie du droit d'enquête, sans définir les modalités d'exercice de ce droit –, elles sont complétées par des normes de nature législative ainsi que par les règlements des différentes assemblées. Au niveau fédéral, le cœur de la matière se trouve dans la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, bien que le droit d'enquête ait été utilisé avant l'adoption de cette législation. La loi de 1880 a subi d'importantes modifications en 1996 pour éviter que le recours au droit d'enquête parlementaire empiète sur les prérogatives du pouvoir judiciaire. Au niveau des entités fédérées, des dispositions de rang législatif (divers décrets et ordonnances) encadrent, de la même façon et suivant des modalités globalement similaires, l'exercice du droit d'enquête parlementaire.

La mise en œuvre de ce droit suppose qu'une initiative en ce sens soit prise par un ou plusieurs parlementaires, sous la forme d'une proposition (de loi, de décret ou d'ordonnance, selon le cas). Celle-ci doit recevoir le soutien d'une majorité d'élus.

Peu d'enquêtes parlementaires ont été menées pendant un siècle et demi (on peut mentionner notamment les commissions créées à cet effet par la Chambre en 1840 sur le commerce extérieur dans ses rapports avec l'industrie et l'agriculture, en 1880 en matière scolaire ou en 1972 sur la publicité à la télévision, ou celle instituée par le Sénat en 1951 sur l'activité de l'Office des séquestres). Les enquêtes parlementaires se sont multipliées à partir du milieu des années 1980, principalement à la Chambre, et ont concerné, le plus souvent, des dossiers ayant suscité de fortes réactions au sein de l'opinion publique. Au niveau fédéral, on peut citer les commissions d'enquête parlementaire consacrées au drame du Heysel (créée en 1985), à l'affaire des tueurs du Brabant (1988 et 1996), aux sectes (1996), à l'affaire Dutroux (1996), au génocide rwandais (1997, au Sénat), à la crise de la dioxine (1999), à l'assassinat de Patrice Lumumba (2000, soit près de 40 ans après les faits), à la faillite de la Sabena (2002), à l'affaire Fortis (2009), à l'adoption de la loi sur la transaction pénale (qui a donné lieu à ce qui a été qualifié de kazakhgate) (2016), ou encore aux attentats du 22 mars 2016 (2016).

Au niveau des entités fédérées, on constate une utilisation moindre et assez récente du droit d'enquête. Ont ainsi été instituées, au sein du Parlement wallon, les commissions d'enquête consacrées à la gestion des déchets suite à l'affaire de la décharge de Mellery (1992) et à l'affaire Publifin/Nethys (2017), et, au sein de l'Assemblée réunie de la COCOM, celle consacrée à l'affaire du Samusocial (2017).

Il arrive qu'une majorité ne puisse pas se dégager au sein de l'assemblée pour instituer une commission d'enquête parlementaire ou que le principe de création d'une telle commission soit adopté mais ne soit pas suivi d'effet (telle celle qui aurait dû porter sur l'assassinat d'André Cools, prévue par la Chambre en 1997 mais jamais installée). Des commissions spéciales sont parfois mises sur pied, aux pouvoirs plus limités. Tel a été le cas dans la plupart des assemblées législatives de Belgique à propos de la gestion de la pandémie de Covid-19, dès 2020. Il arrive également qu'une commission spéciale soit transformée en commission d'enquête parlementaire au vu de l'évolution du dossier, comme ce fut le cas à propos de l'affaire Publifin/Nethys au Parlement wallon.

Tandis que certaines commissions d'enquête parlementaire sont restées célèbres (celles sur le génocide au Rwanda, sur l'affaire Dutroux, sur l'assassinat de P. Lumumba ou sur la crise de la dioxine, par exemple), notamment par les changements qu'elles ont induits ou par les éclairages qu'elles ont apportés, d'autres sont considérées comme ayant porté peu de fruits (telle celle sur l'affaire Fortis). La volonté pour les membres d'une commission d'enquête parlementaire d'aboutir à un rapport susceptible d'être adopté par une majorité en séance plénière les conduit parfois à formuler des conclusions et des recommandations assez consensuelles.

Voir aussi : commission d'enquête parlementaire

Fragments sonores (RadioPanik)

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