première réforme de l’État

notice mise à jour en 2022

Transformation institutionnelle qui, entre 1970 et 1973, introduit des mécanismes de protection de la minorité francophone dans les institutions nationales et consacre l'autonomie des Communautés culturelles.

Autre appellation : première réforme institutionnelle

Le processus de transformation de l'État belge unitaire débute dans les années 1960. La législation sur l'emploi des langues adoptée en 1962-1963 divise administrativement le territoire national en quatre régions linguistiques ; elle consacre l'unilinguisme de la région de langue française, de la région de langue néerlandaise et de la région de langue allemande, et le bilinguisme de la région bruxelloise.

Cependant, de vives tensions persistent entre Flamands et francophones. Le Mouvement flamand veut davantage d'autonomie culturelle, tandis que les seconds ont gardé le sentiment que les lois linguistiques ont été adoptées grâce au poids démographique de la Flandre, qui confère une majorité parlementaire aux députés élus dans cette région. En outre, le Mouvement wallon réclame davantage d'autonomie pour la Wallonie en matière économique.

Tandis que le Parti social-chrétien est le premier à se scinder en deux formations politiques distinctes basées sur la langue, la législature 1968-1971 entame le processus de réforme institutionnelle qui conduira la Belgique vers sa transformation en un État fédéral. C'est le gouvernement Eyskens IV (coalition tripartite associant les sociaux-chrétiens francophones et flamands et le parti socialiste) qui présente au Parlement le résultat de longues négociations entre les partis de la coalition. Les modifications législatives qui mettent en œuvre cette première réforme institutionnelle sont adoptées au cours de deux législatures consécutives.

Lors de la première réforme de l'État, l'organisation de la Chambre des représentants et du Sénat, ainsi que la composition du gouvernement sont modifiées pour offrir des garanties aux deux grandes communautés culturelles et linguistiques. Les parlementaires sont désormais répartis en groupes linguistiques, chacune des deux assemblées comptant un groupe linguistique français et un groupe linguistique néerlandais. La parité linguistique est instituée au sein du Conseil des ministres ; le Premier ministre n'est pas nécessairement inclus dans le calcul de parité. Désormais, certaines lois, dites lois spéciales, devront être adoptées à la Chambre et au Sénat en réunissant deux tiers des voix et la majorité absolue dans chacun des groupes linguistiques. La procédure de la sonnette d'alarme est également introduite.

La première réforme de l'État prévoit par ailleurs la création de trois Communautés culturelles et de trois Régions.

Tant la Communauté culturelle française, que la Communauté culturelle néerlandaise sont dotées d'une assemblée, le Conseil culturel, installé dès 1971. Celui-ci, composé des députés et sénateurs d'expression française ou néerlandaise, légifère par décret dans les matières qui sont de sa compétence (à savoir principalement l'emploi des langues et les matières dites culturelles). La Communauté culturelle allemande est dotée d'un Conseil (et non d'un Conseil culturel) en 1973, qui ne dispose pas du pouvoir décrétal : celui-ci adopte des règlements. Les trois Communautés culturelles ne disposent pas du pouvoir exécutif : c'est le gouvernement national qui assure alors ce rôle.

La création des Régions (Région wallonne, Région flamande et Région bruxelloise) est prévue à l'article 107quater de la Constitution, mais elle ne reçoit pas de concrétisation immédiate. Toutefois, une expérience provisoire sera tentée en ce sens par la loi du 1er août 1974 créant des institutions régionales à titre préparatoire à l'application de l'article 107quater de la Constitution, dite loi Perin-Vandekerckhove. Celle-ci met en place trois conseils régionaux pouvant donner des avis non contraignants sur les matières régionales et des comités ministériels régionaux au sein du gouvernement.

Outre la révision constitutionnelle du 24 décembre 1970, la première réforme de l'État est constituée principalement de l'adoption de trois nouvelles lois :

  • la loi du 3 juillet 1971 relative à la répartition des membres des Chambres législatives en groupes linguistiques et portant diverses dispositions relatives aux Conseils culturels pour la Communauté culturelle française et pour la Communauté culturelle néerlandaise ;
  • la loi du 21 juillet 1971 relative à la compétence et au fonctionnement des Conseils culturels pour la Communauté culturelle française et pour la Communauté culturelle néerlandaise ;
  • la loi du 10 juillet 1973 relative au Conseil de la Communauté culturelle allemande (adoptée sous la législature suivante).

On mentionnera également la loi du 26 juillet 1971 organisant les agglomérations et fédérations de communes, qui a pour effet la création de l'Agglomération bruxelloise, réunissant les 19 communes de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale. La création de cette institution, de ses compétences et de ses organes constitue l'une des principales pierres d'achoppement lors des débats de l'époque, tant le sort de la ville de Bruxelles et de sa région est, déjà, une préoccupation majeure.

Dans la foulée de cette première réforme de l'État, le Pacte culturel est conclu entre les principaux partis afin de protéger les minorités idéologiques et philosophiques. Il sera mis en application avec l'adoption de la loi du 16 juillet 1973.

Les commentaires sont fermés.