Ensemble de lois imposant un certain nombre de règles en matière d'emploi des langues, principalement en ce qui concerne la fonction publique (administration, justice, enseignement…).
Autre appellation : lois sur l'emploi des langues
À son indépendance en 1830, l'État belge proclame la liberté d'emploi des langues afin d'éviter tout risque de décision arbitraire de l'exécutif en la matière. Ainsi, la Constitution du 7 février 1831 dispose en son article 23 (actuel article 30) : « L'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif ; il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires ». Il s'agit là d'une réaction contre les tentatives de néerlandisation qui avaient été menées par le régime hollandais (1815-1830).
Dans la pratique, l'application du principe de liberté des langues se heurte au fait que de nombreux fonctionnaires ne maîtrisent pas d'autre langue que le français. Quant à la possibilité de législation linguistique inscrite dans la Constitution, elle n'est pas activée. En l'absence de réglementation, la liberté se transforme dès lors en une prépondérance de facto du français dans tous les domaines : administration, justice, enseignement supérieur, armée, etc. La langue française bénéficie en effet de nombreux facteurs, dont son prestige culturel international, son identification à l'appartenance au monde des nantis, et l'accaparement du pouvoir politique par les classes fortunées francophones ou francisées (parfois péjorativement appelées, en Flandre, les « fransquillons »). Interviennent en outre des considérations de rationalité bureaucratique et de cohésion politique : l'usage d'une seule langue apparaît comme le garant du fonctionnement efficace et économique des rouages administratifs et comme un élément d'union susceptible de renforcer le sentiment national belge. Enfin, entre autres éléments explicatifs, s'ajoute le fait que les dialectes flamands, encore composites à cette époque, ne peuvent concurrencer la langue française unifiée.
Rapidement, le Mouvement flamand revendique la reconnaissance officielle de la langue flamande. La création d'une commission chargée « de rechercher et de signaler au gouvernement les mesures les plus propres pour assurer le développement de la littérature flamande et pour régler l'usage de la langue flamande dans ses rapports avec les diverses parties de l'administration publique » (dite Commission des griefs flamands) en 1856 constitue en quelque sorte l'acte de reconnaissance du problème linguistique par les autorités belges.
Les premières lois linguistiques sont adoptées à partir de 1873, en faveur de l'usage du néerlandais (préféré aux dialectes flamands en raison de sa standardisation). Leur production s'accélère peu à peu ; elles concernent des domaines aussi variés que les pièces de monnaie et les billets de banque, les timbres-poste, le Moniteur belge, etc.
Dans un premier temps, ces dispositions législatives visent à donner une certaine place au néerlandais dans la vie publique en Flandre (administration, justice, enseignement), sans porter atteinte à la suprématie du français ni au caractère francophone de l'appareil d'État.
Dans un deuxième temps, leur objectif devient d'instaurer le bilinguisme en Flandre et un début de bilinguisme étatique. Cette inflexion s'explique par divers facteurs, dont un renforcement du Mouvement flamand au plan numérique et l'extension du droit de vote. Intervient aussi le mécontentement suscité par le fait que l'État belge ne répond que partiellement et avec lenteur aux revendications linguistiques flamandes.
Le 18 avril 1898, est promulguée la loi « relative à l'emploi de la langue flamande dans les publications officielles » (dite loi d'égalité), qui établit le principe de l'équivalence sur le plan juridique des textes français et néerlandais des lois et arrêtés ; cette date est donc celle de la reconnaissance du néerlandais comme langue nationale, au même titre que le français.
Enfin, dans un troisième temps, à savoir après la Première Guerre mondiale et surtout à partir des années 1930, les lois linguistiques visent à instaurer le bilinguisme au niveau national et l'unilinguisme au niveau régional (en particulier, en procédant à la néerlandisation complète et exclusive du domaine public en Flandre). Tel est resté le cas depuis lors.
À partir de 1925, une certaine place commence à être faite également à la langue allemande (par suite de l'annexion des cantons d'Eupen, de Malmedy et de Saint-Vith). L'allemand devient la troisième langue officielle du pays en 1991. Toutefois, de nos jours encore, l'allemand n'est pas placé sur un pied d'égalité avec le français et le néerlandais : bien que l'État belge soit officiellement trilingue, un bilinguisme français-néerlandais reste de mise au niveau national, tandis que l'allemand continue à n'y occuper qu'une place subalterne.
Dans le domaine administratif, les principales lois linguistiques sont celles du 22 mai 1878, du 31 juillet 1921, du 28 juin 1932, du 8 novembre 1962 et du 2 août 1963 (les deux dernières étant particulièrement connues, pour avoir fixé les quatre régions linguistiques et la « frontière linguistique »). Elles sont aujourd'hui en vigueur sous le nom de lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative. La Commission permanente de contrôle linguistique (CPCL) est chargée de surveiller leur application.
Dans le domaine judiciaire, il s'agit des lois du 17 août 1873 et du 15 juin 1935.
Dans le domaine de l'enseignement, il s'agit des lois du 15 juin 1883, du 14 juillet 1932 et du 30 juillet 1963.
En Belgique, les questions relatives à l'emploi des langues sont au centre de nombre des problèmes communautaires opposant les francophones et les néerlandophones. Dès lors, les règles contenues dans les lois linguistiques constituent l'un des éléments-clés sur lesquels reposent les équilibres du pays. Leur fixation, leur application et leur modification sont l'objet d'attentions particulièrement vives. Notamment, la remise en cause par certains acteurs politiques flamands des dispositions relatives aux communes à facilités (spécialement, celles de la périphérie bruxelloise) provoque de vives tensions entre les deux grandes communautés culturelles et linguistiques du pays.